Thèse de Doctorat:
Etotépé A. SOGBOHOSSOU (2011). Ecologie des populations de lions d’Afrique de l’Ouest (Panthera leo Linnaeus 1758) et conflits hommes-lion dans al Réserve de Bisophère de la Pendjari, nord Bénin. Université de Leiden, Pays-Bas. 158 pages.
Promoteurs: Geert R. de SNOO & Brice SINSIN
Co-Promoteur: Hans H. de IONGH.
Résumé: Les lions de l’Afrique de l’Ouest Ecologie des populations de lion (Panthera leo Linnaeus 1758) et conflits hommes-lion dans la Réserve de Biosphère de la Pendjari au nord-Bénin.
La biodiversité disparait à un rythme alarmant ces dernières décennies. Plusieurs espèces, parmi lesquelles les carnivores, deviennent de plus en plus menacées. Le lion, l’un des mammifères terrestres les plus largement distribués dans le monde autrefois, est aujourd’hui réduit à l’écosystème du Gir en Inde et à des populations plus ou moins fragmentées en Afrique sub-saharienne. L’espèce est considérée comme Vulnérable d’après la Liste Rouge de l’UICN. Les populations étant de petite taille et très fragmentées en Afrique de l’Ouest, l’espèce y est classée comme ‘Régionalement En Danger d’extinction’. Le lion africain a fait l’objet de diverses études. Mais les menaces, l’écologie et le comportement du lion dans le contexte ouest-africain, dont la connaissance est nécessaire pour la conservation de l’espèce dans la sous-région, ont fait l’objet de peu d’études. Dans le but de combler ces lacunes relatives à la conservation du lion en Afrique de l’Ouest, la présente recherche vise à étudier l’écologie des populations de lions et les conflits hommes-lion dans une aire protégée ouest-africaine : la Réserve de Biosphère de la Pendjari au Bénin. Les objectifs spécifiques sont de: (i) déterminer les caractéristiques des conflits hommes-prédateurs dans la Réserve de Biosphère de la Pendjari au Bénin , (ii) examiner la perception qu’ont les populations locales de ces conflits, (iii) étudier l’abondance et la structure sociale des populations de lions dans la Pendjari ; (iv) étudier les relations lions-proies et enfin (v) déterminer la taille des territoires et les habitats utilisés par les lions dans la réserve.
La Réserve de Biosphère de la Pendjari est l’une des aires protégées les mieux conservées dans la région. Elle fait partie de l’un des deux ensembles d’aires protégées les plus prometteurs pour l’avenir du lion en Afrique Occidentale d’après la Stratégie de Conservation du lion en Afrique Occidentale et Centrale. Elle couvre un peu moins de 5000 km² et se compose du parc national de la Pendjari ainsi que des zones cynégétiques de la Pendjari et de Konkombri.
Les populations humaines vivant autour de la Réserve connaissent des problèmes avec les prédateurs sauvages, principalement à travers l’élevage qui est la deuxième activité dans la région après l’agriculture. L’hyène est la première espèce de prédateur concernée, étant responsable de 53,6% des attaques de bétail dans la zone. Viennent ensuite le babouin (responsable de 24,8 % des attaques) puis le lion (responsable de 18% des attaques). La majorité des attaques se produisent durant la saison des pluies, quand les proies sauvages sont distribuées aléatoirement et régulièrement dans l’aire protégée et ainsi un peu plus difficiles à chasser. Le niveau de déprédation est néanmoins faible comparé à ce qui est observé dans beaucoup d’autres régions du continent africain. Malgré cela, les pertes sont d’une importance significative pour les populations qui vivent pour la plupart en dessous du seuil de pauvreté. Heureusement, en dépit des pertes et de la crainte pour les espèces de carnivores, les populations semblent tolérer les conflits. De façon générale, la perception qu’ont les populations des carnivores et des conflits est déterminée par l’ethnie d’appartenance, les expériences antérieures avec les carnivores, les bénéfices individuels tirés du parc, l’âge de l’enquêté. Les Berbas, de l’ethnie dominante dans la région, apparaissent comme le groupe ayant les perceptions les plus négatives tandis que les Waama ont tendance à être plus tolérants. L’abattage de revanche des lions, qui aurait été très nuisible à la population des lions et autres prédateurs, n’a pas été observé dans la zone. Ceci est probablement en partie dû à l’importance socioculturelle des grands carnivores. L’ampleur relativement faible des conflits hommes-lion autour de la Réserve de Biosphère de la Pendjari est confirmée par l’absence de bétail dans le régime alimentaire du lion à travers l’analyse des crottes et les observations.
Dans la Réserve de Biosphère de la Pendjari, le buffle est l’espèce la plus consommée par les lions. Il représente 50% de la biomasse consommée. Toutefois, comme dans les autres régions d’Afrique Centrale et Occidentale et contrairement à l’Afrique Australe et Orientale, le régime alimentaire du lion dans la Pendjari est, en terme d’effectifs consommés, dominé par les proies de taille moyenne. Elles composent 61,7% du régime contre 38,2 % pour les proies de grande taille. Néanmoins, les lions marquent une préférence pour les proies plus grandes telles que le waterbuck et le bubale tandis que les petites proies telles que l’ourébi et les céphalophes sont évitées. Le buffle est prélevé conformément à son abondance dans la réserve. La prédominance des petites proies dans le régime alimentaire n’est pas donc pas due à une préférence de ces espèces ou à la petite taille des groupes de lions dans la région mais plutôt à la relative abondance de ces petites proies dans le milieu.
La densité moyenne des lions dans la Réserve de la Pendjari est de 1,6 lions/100 km² avec une densité beaucoup plus élevée dans le parc (2 lions/100km²) comparativement aux zones cynégétiques (1,3 lions/100 km²). Contrairement à la majorité des populations de lions en Afrique Centrale et Occidentale, les lions connaissent une augmentation de leur population dans la Réserve de Biosphère de la Pendjari ces dernières années. La taille moyenne des groupes de lions est de 2,6 lions. Elle est significativement plus élevée dans le parc que dans les zones cynégétiques. La faible taille des groupes est en accord avec la relative faible densité de proies et de lions dans la zone. La proportion des males dans la population est beaucoup plus élevée que ce qui est communément observé avec un sexe ratio chez les adultes de 1 male pour 1,04 femelle. Bien que ce biais soit en partie imputable à la méthode d’étude utilisée, il révèle un dysfonctionnement au niveau de la population. La population de lions de la Pendjari est particulièrement vulnérable à la chasse sportive faite aussi bien dans les zones cynégétiques du Bénin que dans celles du Burkina Faso. La population du parc, population source, sert à combler le vide créé par la chasse dans les zones. La taille des territoires des lions de la Pendjari, s’inscrit dans le même ordre de grandeur que dans d’autres aires d’Afrique. Elle est en moyenne de 200 ± 141 km² (Méthode du Minimum Convex Polygon). Les galeries forestières, les savanes arborées et forêts claires constituent des habitats privilégiés des lions en saison sèche. Les résultats préliminaires indiquent qu’en saison des pluies, les habitats entourant les points d’eau, les savanes herbeuses et marécages sont évités au profit des végétations saxicoles et des forêts claires et denses sèches. L’étude de la structure sociale et de l’utilisation de l’habitat par les lions révèle l’importance de la gestion concertée des aires protégées de la sous-région et principalement du Bénin et du Burkina Faso pour la conservation du lion et de la faune en général.
En résumé, il ressort de cette étude que malgré les particularités environnementales, quand la protection est effective, les lions se comportent de la même façon en Afrique de l’Ouest que dans les autres parties du continent. Les lions de la Réserve de Biosphère de la Pendjari, malgré l’augmentation constante de leur population, restent menacés par les prélèvements légaux et illégaux ainsi que les pressions sur l’habitat provenant essentiellement des aires contigües du Bénin et du Burkina Faso. Pour sauver l’espèce, il faudra faire des efforts pour protéger non seulement les aires protégées concernées mais aussi leurs alentours. Aussi l’aménagement concerté des aires transnationales est-elle une nécessité. Des facteurs tels que les impacts de la chasse sportive et les relations entre les différentes espèces de prédateurs restent à explorer pour améliorer le statut de conservation des lions et autres prédateurs en Afrique de l’Ouest.
Mots clé lion Panthera leo; conflits hommes-faune; structure sociale; régime alimentaire; utilisation de l’habitat; Afrique de l’Ouest